B U R E A U   O F   P U B L I C   S E C R E T S


 

DÉCLARATION
à propos du
Centre de Recherche sur la Question Sociale

 

Paris — mars 1974

Déclarant notre solidarité avec les luttes pour une théorie pratique du prolétariat, par lesquelles cette classe sociale redécouvre aujourd’hui la nature véritable de son être et l’ampleur de ses perspectives, qui avaient été vaincues, falsifiées ou oubliées avec l’écrasement de l’ancien mouvement ouvrier sur tous les continents ;

Considérant,

qu’en tant que prolétaires révolutionnaires, notre émancipation individuelle passe par l’émancipation nécessaire du prolétariat mondial ;

que cette émancipation doit consister notamment en la suppression de l’Économie mondiale, dont les différents États et classes dominantes nationales se partagent aujourd’hui la gestion d’où ils tirent le pouvoir qui enchaîne actuellement l’humanité ;

que l’assujettissement des masses à l’Économie, consiste non seulement en l’assujettissement des travailleurs aux classes et aux États détenteurs des moyens de production, mais aussi dans l’asservissement des individus à des règles de vie, de pensée et d’action qui découlent directement de la forme marchande de la production mondiale ;

que le prolétariat a été enchaîné jusqu’à présent au moins autant par sa propre complaisance pour la vie servile que par sa soumission contrainte à la loi économique, et que c’est précisément ce qui aujourd’hui est en train de changer ;

Considérant,

que les conditions nécessaires de son émancipation, et du libre épanouissement ultérieur d’une vie sociale révolutionnaire, restent la suppression de l’Économie et de l’État et, en règle générale, de toutes formes de pouvoirs ou d’autorités extérieurs aux individus ;

que l’arme et la condition principale pour mener l’actuelle guerre sociale jusqu’à la victoire décisive est l’appropriation et le développement par chaque prolétaire d’une forme de pensée solidaire de sa lutte, supérieure aux théories partielles et à la connaissance scientifique connues jusqu’ici : la théorie révolutionnaire, née des luttes du vieux mouvement ouvrier, et réintroduite aujourd’hui dans la guerre contre les conditions socio-historiques du capitalisme moderne ;

que cette nouvelle conscience révolutionnaire, relativement aux buts qu’elle se propose d’atteindre, doit se développer contre toutes les règles de pensée et de conscience dominantes ;

qu’elle n’est en définitive que la théorie libre et maîtrisée par chaque individu de son existence sociale ; qui jusqu’à présent n’a pu connaître aucun développement durable et décisif ;

que selon le mot d’un situationniste, il importe avant tout que “les ouvriers deviennent dialecticiens”, et dirigent eux-mêmes leur propre vie, en dehors de toute délégation de pouvoir ;

que notre époque voit justement apparaître et agir les premiers travailleurs dialecticiens ;

Considérant,

que notre époque mérite maintenant de voir se constituer des organisations internationales de prolétaires révolutionnaires, qui, avec l’appui de leurs compagnons de classe dans chaque région du monde, pourront tenir en respect n’importe quelle autre puissance de ce temps ;

qu’il ne faudra pas moins que cela pour contrecarrer efficacement les mensonges, les falsifications et les brimades quotidiennes par lesquels nos maîtres actuels nous maintiennent dans une ignorance organisée de tout ce qui concerne la réalité de la vie ; et donner enfin à notre lutte des bases solides et lui permettre un essor décisif ;

Considérant,

notre mépris pour les pseudo-organisations révolutionnaires qui cherchent à se constituer en deçà des dimensions que nous indiquons ci-dessus ;

que la manie organisationnelle des révolutionnaires qui s’affiche à tous propos, et qui trouve son complément normal dans divers courants honnêtement ou tactiquement spontanéistes, est un réflexe qui subsiste de la pire tradition du mouvement ouvrier et de la longue période d’impuissance générale que nous venons de traverser ;

que nous faisons autant de cas des gesticulations, des prétentions ou des rêves de tel ou tel groupuscule que d’une vulgaire pétition ;

que toute organisation révolutionnaire qui osera maintenant se présenter avec des moyens, une théorie et une pratique sous-développés devra être considérée comme une simple dérision et une offense à l’égard des autres travailleurs qui entrent partout dans la lutte ;

que ce qui juge une organisation révolutionnaire est l’ampleur et la radicalité de ses buts et comment elle agit pour les atteindre ;

que c’est maintenant aux travailleurs eux-mêmes de construire des organisations à la mesure de leurs objectifs ; et que ce qui définit avant tout le travailleur révolutionnaire n’est pas l’exercice ou la qualification pour tel ou tel métier, mais son hostilité irréductible à l’institution du travail ;

Considérant,

notre mépris des sectes révolutionnaires, des groupes “autonomes” qui n’ont d’autonomie que celle du ghetto qu’ils s’aménagent ;

nous avons fondé le 28 septembre 1973 le Centre de Recherche sur la Question Sociale, complément semi-organisationnel, intentionnellement limité, à nos activités respectives et distinctes de théoriciens révolutionnaires ; et qui fonctionne depuis selon les règles suivantes :

1

Les membres du C.R.Q.S. sont choisis parmi les révolutionnaires qui ont fait individuellement la preuve de leur loyauté, de leurs talents et de leur opiniâtreté dans la lutte pour la théorie pratique, et qui veulent rallier la présente solution semi-organisationnelle pour continuer de s’adresser en leur seul nom au mouvement révolutionnaire. Tout camarade, durant le temps où il est membre du C.R.Q.S., admet sans restriction les présentes règles, veille à leur application, et s’acquitte de tous les devoirs pratiques qui en découlent.

2

La fonction organisationnelle du C.R.Q.S. est strictement limitée à l’appui matériel qu’elle peut fournir à des activités distinctes, menées sous la responsabilité exclusive des individus. Le C.R.Q.S. ne cherche pas à exposer ou à défendre des positions collectives cohérentes ; ceci, bien que les bases générales de la théorie révolutionnaire moderne y soient nécessairement reconnues par ses membres. Aucune entreprise ne peut être menée par les membres au nom du C.R.Q.S. en dehors de quelques tâches administratives précisément délimitées ; en particulier, ni déclarations publiques, ni interventions pratiques, ne pourront se réclamer du C.R.Q.S., et resteront sous la seule responsabilité de leurs signataires ou auteurs.

3

Les tâches de gestion dont dépendent le fonctionnement et la réussite du présent accord sont équitablement accomplies par tous les membres. Ceux-ci dirigent cette gestion selon les règles de la démocratie totale. L’assemblée générale des membres a tout pouvoir de décision ; ses décisions, prises à la majorité, sont exécutoires.

4

Tout membre du C.R.Q.S. a le devoir de démissionner et de faire connaître ses raisons publiquement si nécessaire : 1) Lorsqu’il estime que la solidarité minimum qu’il doit aux autres membres, de par son appartenance à l’Association, n’est plus justifiée par la nature de leurs orientations théorico-pratiques. 2) Lorsqu’il estime que la formule limitée du C.R.Q.S. n’ayant plus lieu d’être cherche à se maintenir d’une manière injustifiée. 3) Lorsqu’il adhère à une autre organisation quelle qu’elle soit.

5

Tout membre qui se place par son attitude, ou ses prises de positions, en contradiction avec les présentes règles est immédiatement exclu. Sera également exclu, tout membre qui aura défailli gravement dans l’application d’une décision de l’assemblée générale, ou qui aura manqué d’une quelconque manière aux principes de la loyauté révolutionnaire.

6

Tout membre du C.R.Q.S. est libre d’établir selon ses affinités et les nécessités de sa pratique des alliances en dehors des membres de l’Association, à condition toutefois que ceux-ci en soient loyalement informés.

7

Selon les leçons qu’il tirera de son fonctionnement le C.R.Q.S. devra fixer un nombre de membres, au-delà duquel il se divisera en deux groupes, dont l’un d’eux reconstituera à l’extérieur une Association distincte.

8

Le C.R.Q.S. exposant ses buts au grand jour, élit chaque année un responsable légal de l’Association. Le Président de l’Association n’a aucune prérogative sur les autres membres.

9

Le C.R.Q.S. sera automatiquement dissout : 1) Quand la solidarité de ses membres qui rend actuellement cette formule possible ne pourra plus être suffisamment assurée. 2) Quand la réalité du mouvement révolutionnaire aura rendu possibles et défini des formes d’association supérieures.

FRANÇOISE BLOCH, JEANNE CHARLES,
JOËL CORNUAULT, DANIEL DENEVERT.

 


JEUNES GENS, JEUNES FILLES
quel que soit votre âge
si vous êtes intelligents ou beaux,
ou avez quelqu’autre talent,
renoncez à nous en faire juges.
Évitez d’adresser à la boîte postale 42-10
75462 PARIS CEDEX 10
une correspondance inutile et fastidieuse
ou des demandes de rencontre inconsidérées.
Vous irez d’autant mieux dans le sens de l’Histoire.

 


Édité en affiche, Paris, mars 1974. Les deux premiers signataires étaient en réalité Nadine Bloch et Françoise Denevert.

Anti-copyright.

[Traduction anglaise de ce texte]

[Autres textes en français]

 

  


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